mercredi 18 juillet 2012

adolescente victime de viols : nouveau témoignage de maltraitances institutionnelles et d'absence de soins adaptés dans le cadre de la campagne VIOLENCES ET SOINS de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie






Encore un nouveau témoignage 
de maltraitances institutionnelles et d'absence de soins adaptés 
 relatés par la mère d'une jeune fille victimes de graves maltraitances avant son adoption, et de viols lors de son adolescence

dans le cadre de la campagne
de l'Association 
 Pétition à signer ici




Un scandale sanitaire, social et humain : où comment toute une société abandonne les victimes de violence, sans protection ni soin, et fabrique sans fin des souffrances, des maladies, de l'exclusion, de l'inégalité, de l'injustice et de nouvelles violences 



N'hésitez pas à témoigner de tous les dysfonctionnements dans la prise en charge dans le cadre de cette campagne pour sensibiliser et mobiliser les politiques à cette situation scandaleuse !



Témoignage :



Je résume ci-dessous l’histoire de ma fille adoptive. Quand je suis allée la chercher pour l'adopter, elle avait à deux ans et demi. Le rapport social de son pays d'origine mentionnait : "insécurité de la rue, sévère dénutrition (à mon arrivée, elle tenait debout mais ne marchait pas), maltraitance, âge réel inférieur à celui qui lui a été donné". 

Bien que non informée de cette question, dès le premier jour, j’ai suspecté qu’elle avait déjà subi des abus sexuels. A mon retour en France, j’ai posé la question au premier pédiatre rencontré, qui, gêné, l’a rejetée. Je n’en ai plus reparlé ensuite. Rapidement, j’ai également rencontré une première psy à qui j’ai expliqué qu’elle avait subi des violences. Comme je m’étonnais qu’elle soit néanmoins très gentille, elle m’a répondu « oui, mais vous êtes là vous aussi ! ».
Tous les ans, ma fille a subi des agressions, d’adultes et d’enfants, auxquelles elle n’a pas pu faire face. Elle a rencontré plusieurs « psy » à qui j’ai toujours expliqué son passé douloureux. Cela n’a absolument rien apporté. Elle a fait un bilan avec une psychologue qui a parlé de sidération et qui n’a pas pu m’indiquer un psychiatre adéquat. Au niveau scolaire, elle ne pouvait pas faire les liens entre les différentes idées mais je me suis toujours opposée au redoublement jusqu’en 3ème car je pensais que cela n’amènerait rien et qu’elle devait progresser. Je suis donc très bien placée pour connaître la vulnérabilité de ma fille et je n’avais jamais trouvé de réponse auprès de tous les professionnels rencontrés.
Une de ses institutrices du primaire a décrit son comportement en classe « comme si une bombe allait exploser à côté d’elle ». J’ai appris plus tard que cela s’appelait de « l’hypervigilance » et certains enseignants ont pris cela pour de l’indiscipline. 
De 14 ans 1/2 à 15 ans 1/2, elle a été reçue toutes les semaines par un médecin dans un centre d'accueil et de soin pour les Jeunes, et même par une psychiatre pendant les mois d’été de cette période. 
A la rentrée qui a suivi, elle a redoublé sa seconde. Elle avait 16 ans et n’en paraissait que 14.
Ma fille vivait mal la violence du lycée et s’est absentée de certains cours. Cela ne lui était jamais arrivé. J’ai appris plus tard qu’elle se réfugiait dans une classe vide. Personne du lycée ne s’est inquiété de ce qu’elle faisait alors. Je recevais des mails auxquels je répondais que je ne pouvais pas savoir ce qui se passait dans l’enceinte du lycée, et aucune réponse ne m’a été apportée. Cela m’a beaucoup inquiétée et ma fille n’avait aucune réaction. J’ai accepté que l’assistante sociale demande une aide éducative. Pourtant la phobie scolaire est reconnue depuis plusieurs années… mais le lycée semblait l’ignorer ! 
Un élève de sa classe a fait courir le bruit qu’il l’avait « doigtée » et beaucoup de jeunes sont venus lui demander des comptes. Ma fille se sentait très mal, le lycée y a accordé peu d’attention. Conclusion de la CPE : « il ne faut pas exagérer !». 
Dans cette épreuve, elle a reçu le soutien de deux jeunes du lycée. Un jour qu’elle devait se rendre chez le proviseur (un homme décrit comme peu humain et j’ai pu en faire l’expérience) pour indiscipline, elle est partie affolée dans Paris en pleurant. Elle a rencontré un des jeunes qui l’avait aidée. Celui-ci l’a violé. Elle est rentrée tard le soir en tremblant et en pleurant. J’ai découvert peu après qu’elle était enceinte, mais elle n’a pas voulu me dire de qui. Nous nous sommes disputées à ce sujet. Le médecin du centre d'accueil et de soin pour les jeunes s’est très bien occupé de l’avortement pendant les vacances de Noël, mais n’a jamais rien fait concernant le viol, alors même que le médecin en était dûment informé. En ce qui me concerne, je me suis fait agressée par les infirmières et le médecin car je n’avais pas à me rendre compte qu’elle était enceinte : ils estimaient que cela ne me regardait pas. Ma fille était, l’esprit ailleurs, dans le déni de tout. Elle n’était plus la même et mon inquiétude allait grandissant. Il était hors de question pour moi de laisser faire car la situation était trop grave.

A la rentrée des vacances de Noël, le 2e jeune a tenté d’abuser d’elle. Elle en a fait part à la CPE. Elle a commencé à faire des fugues. Le proviseur, dans une séance éprouvante sans aucun égard pour ma fille ou pour moi-même, m’a appris de qui elle était enceinte et lui a fait dire qu’elle était consentante. En ce qui me concerne, j’avais passé des nuits d’insomnie et, sur le coup, j’étais contente de connaître le nom du responsable. Néanmoins, cela aurait pu se passer autrement, avec plus d’humanité. Devant son état indescriptible, le médecin du centre d'accueil et de soin pour les Jeunes a eu très peur et a fait un arrêt de travail, mais toujours sans lui en demander la raison. A la maison, elle était redevenue plus calme et à son retour en classe au début février, elle a recommencé à ne pas être bien. Pour moi cela a été de trop. Je me suis disputée avec elle. Elle est partie vivre chez mes parents qui, âgés, ne comprenaient rien, ne comprennent toujours rien, et j’ai dû également me heurter à eux.
Dans mon désarroi j’ai accepté une évaluation de l’ASE. Elle a rencontré une psychologue qui lui aurait dit qu’elle avait le droit de faire ce qu’elle voulait de son corps, que cela ne me regardait pas. A l’heure actuelle, ma fille décrit son état comme passif car elle ne comprenait rien. Personne ne s’en est inquiété, a tenté de lui faire dire comment elle allait, ne s’est intéressé à ce qu’elle ressentait. Elle n’a jamais dit qu’elle voulait aller en famille d’accueil et je peux le croire car, ne comprenant rien de ce qui lui arrivait, elle a dû les regarder avec ses yeux étonnés. Il s’agit donc de rapport fallacieux. En fait pendant ces trois semaines passées chez mes parents, elle a tenté de prendre contact avec moi mais, à mon tour, je ne comprenais rien et allais très mal. Elle est revenue à la maison et la vie a repris. La psychologue a expliqué à son responsable qu’elle estimait avoir fait un certain travail et que, de ce fait, elle devait partir en famille d’accueil. Elle devait « réfléchir à ce qu’elle avait fait ». Je ne pense pas qu’elle était en mesure de le faire.
La première famille d’accueil proposée était un homme seul d’une cinquantaine d’années avec deux jeunes garçons de 14 et 17 ans également placés, loin de notre domicile. J’ai refusé.
La deuxième famille était une femme d’origine étrangère dans une commune à risque, dans un milieu loin de celui auquel ma fille était habituée et qui l’exposait à plus d’insécurité alors qu’elle est très vulnérable. J’ai refusé.
Alors que tout allait en apparence bien et que ma fille continuait à être suivie toutes les semaines dans le centre d'accueil et de soin pour les Jeunes, en milieu d'année scolaire, ma fille s’est fait embarquer par un homme qui l’a séquestrée pendant 32 heures. Ils l’ont violée à deux. A son retour, elle a été examinée au service de médecine légale et le médecin a conclu que son état était compatible avec les faits allégués. Le policier a refusé ces conclusions, s’est montré menaçant vis-à-vis du médecin, m’a déconseillé toujours sur le même ton de tenter de le revoir pour demander des explications. Lors de la deuxième visite, le même médecin avec un sourire gêné et discret m’a précisé qu’il n’avait pas à revenir sur ses conclusions. Le policier, qui a toujours montré un état de grande excitation, voulait absolument que je lui dise que ma fille avait une vie dissolue, ce qui n’est pas le cas car elle est assez craintive et ne sort pas. Les détails de l’interrogatoire de ma fille sont certainement visibles sur les trois enregistrements que celui-ci n’a pas manqué de faire. Ma fille étant extrêmement discrète pour exprimer ses émotions, je n’ai pas compris à l’époque comment cela avait pu se dérouler. Le dernier jour le policier lui a fait signer, alors qu’elle était à bout de nerfs, une rétractation de la plainte. Il a dressé tout un guet-apens pour me faire emmener contre mon gré à l’hôpital pendant qu’il mettait ma fille en cellule pour la faire emmener dans un foyer d’urgence, et ceci sans sa tri-thérapie préventive, alors qu’il savait pertinemment et sans l’ombre d’un doute qu’elle devait suivre ce traitement et qu’il la mettait ainsi en danger. N’étant plus surveillée, j’ai quitté l’hôpital pour me rendre à nouveau à la Brigade des Mineurs. J’y ai été reconduite toujours sous la contrainte. J’en suis repartie pour aller chercher les médicaments que j’ai déposés à la Brigade des Mineurs entre les mains d’un policier et je n’ai personnellement plus été inquiétée par eux : j’en suis repartie libre.
Ma fille est restée dans ce centre pendant un mois. Elle vivait au plus mal cette situation et m’appelait régulièrement. Je l’ai suppliée de ne rien tenter car le centre détenait sa tri-thérapie et cela devait être considéré comme notre priorité. Je lui ai promis que, dès que son traitement serait terminé, elle pourrait revenir à la maison et qu’au besoin nous partirions ensemble, même à l’étranger. Aucun soin, à part la tri-thérapie (administrée à des heures fantaisistes !) et aussi un médicament contre la gale qui menaçait le centre, ne lui a été apporté. Aucune considération pour son état psychique : elle a même été dans l’obligation de voir un film d’horreur qui lui a fait faire des cauchemars pendant des mois. Elle était là parquée avec des jeunes dont un grand nombre de délinquants. Elle y a rencontré l’acharnement d’une éducatrice, qui s’est exprimée jusque dans le cabinet de la juge. 
Lorsque j’ai demandé à la juge qui l’a placée en famille d’accueil ce que j’avais fait pour mériter une telle décision, elle m’a répondu qu’elle n’en savait rien mais que j’avais fait quelque chose parce qu’il ne pouvait pas en être autrement. Je n’ai pas été entendue. Mon avocate n’a pas été entendue, donc frais inutiles. Nous avons produit le rapport social de son pays d'origine, elle l’a rejeté car elle niait son intérêt. Autrement dit, nous avons été traitées comme des criminelles alors que ma fille n’a commis aucun délit. Cette juge s’est réfugiée derrière des déclarations et rapports fallacieux de personnes incompétentes, imbues de leurs prérogatives et dont le travail n’est même pas vérifié. Par contre, celle-ci a demandé à mon avocate de faire un rapport sur le comportement du policier. Cette dernière n’a pas voulu le faire.
Le médecin du centre d'accueil et de soin pour les Jeunes avait suggéré à ma fille qu’elle pourrait rencontrer un psychiatre. Lorsque j’en ai parlé au médecin, il l’a nié. J’ai demandé une explication à ma fille (16 ans) : « il considère que cela ne te regarde pas ». Au cours de mon dernier entretien avec celui-ci, il m’a dit que ma fille « faisait du théâtre de sa vie » et m’a rendu responsable de ces événements en me reprochant d’être trop proche d’elle. Si cela n’avait pas été le cas, je me demande ce qu’il serait advenu d’elle car c’est l’affection que nous nous sommes portée mutuellement qui l’a toujours soutenue.
Pendant cette période d’éloignement, nous avons été dans l’obligation de nous livrer à toutes sortes d’acrobaties. Je ne voulais pas qu’elle parte à la dérive. Quand elle allait au lycée, je venais déjeuner avec elle, nous nous téléphonions sans cesse. Quand elle était en famille d’accueil (3 jours), les élèves de sa classe étaient en Angleterre. Elle quittait la famille d’accueil pour venir à la maison et repartait le soir. Cela a été très douloureux.
Un mois après, je me suis rendue au lycée pour récupérer son MP3. Le Proviseur m’a littéralement jetée : je n’étais plus rien pour ma fille. Alors que celle-ci se cramponnait à moi en me regardant avec des yeux implorants, celui-ci n’a pas hésité à me l’arracher des bras malgré notre résistance et j’en suis arrivée à me battre avec lui. Il l’a fait enfermer à l’infirmerie et voulait appeler la police. Elle s’est enfuie et n’a plus voulu retourner au lycée. Personne du lycée ou même de l’ASE ne s’en est inquiété ! Au moindre coup de sonnette, ma fille était terrorisée, livide, de peur qu’on vienne la chercher.
La lumière n’est venue que par un Centre de thérapie familiale auquel nous avait envoyées la juge. Traumatisée par tous ses intervenants peu scrupuleux, ma fille a refusé d’y aller. Je me suis donc présentée seule, et ce contre l’avis de tous mes proches. Votre dépliant m’a été donné et vous avez commencé à recevoir ma fille en nous donnant toutes les explications dont nous avions besoin.
Six mois après,  nous avons rencontré une nouvelle juge qui m’a rendu officiellement ma fille. Elle a déploré que celle-ci n’ait pas 8 ans « pour faire quelque chose ». A estimer que ma fille s’était mise en danger, qu’elle en était responsable et qu’elle devait continuer à vivre comme si rien n’était. Comme vous le savez, cela faisait 15 ans que je la voyais faire de son mieux et que je la soutenais dans cet effort, sans que personne ne soit en mesure de nous venir en aide. Les paroles de la juge étaient d’une telle violence qu’il m’était impossible de répondre. Elle a estimé que ma fille avait plus de 15 ans, que de ce fait elle avait droit de se faire « honorer » de la sorte. L’avocate de ma fille (nommée par l’Antenne des Mineurs) est intervenue pour dire que ma fille était consentante et que d’ailleurs elle avait fait beaucoup de progrès pour s’exprimer depuis la première rencontre six mois auparavant. A la sortie du cabinet, elle s’est permis de dire à ma fille « Tu as bien compris, ne te prends pas pour une victime ».
Il est évident que sans vous, Docteur Salmona, vos explications et le travail qu’elle avait alors déjà accompli avec vous nous aurions alors plongé dans un profond désarroi.
Depuis un an que vous la suivez, j’ai pu voir les progrès qu’elle avait faits. Son professeur de français a noté « encore fragile, mais les raisonnements se tiennent de mieux en mieux », ce qui me permet d’espérer. Je reste néanmoins très choquée par tous ses événements et par l’incompétence des professionnels rencontrés, qui peuvent se révéler imbus de leur pouvoir, malveillants voire pervers. Leur seule obsession était que ma fille aille grossir le nombre des enfants adoptés puis abandonnés par leurs parents adoptifs parce que débordés (i) par leur souffrance à laquelle la société n’a pas encore apporté de réponse et (ii) aussi par leur incapacité à s’attacher. Si ma fille, au milieu de sa tourmente, n’avait pas été en mesure de réclamer mon aide, je n’aurais rien pu faire pour elle. J’aurais assurément été dans l’obligation de tout laisser tomber et elle aurait été perdue.
Si seulement le premier pédiatre avait pu me diriger vers un confrère compétent, cela nous aurait épargné des années difficiles. Si seulement le médecin du centre d'accueil et de soin pour les Jeunes avait accordé à ma fille l’écoute nécessaire, il aurait fait arrêter cette spirale infernale dans laquelle nous avons été embarquées bien malgré nous, mais encore faudrait-il que la police et la justice puissent écouter le corps médical et ne pas s’arroger tous les pouvoirs.
Personnellement, je reste très affectée et marquée par tous ces événements. Indépendamment des agressions sexuelles qui sont lourdes de conséquences, ni ma fille, ni moi-même ne pouvons oublier les agissements destructeurs et abominables des services de l’Etat.

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