lundi 7 janvier 2013

Intervention de la Dre M. Salmona Colloque sur les conduites dissociantes chez les personnes âgées liées à un passé de violences sexuelles au Colloque de l'AFAR : Les personnes âgées pas faciles, le 14 février à la maison de la chimie à Paris




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Résumé de l'intervention de la Dre Muriel Salmona, janvier 2013

Les conduites dissociantes paradoxales chez les personnes âgées 
liées à un passé de violences sexuelles


Les violences sexuelles sont les plus grandes pourvoyeuses de troubles psychotraumatiques à très long terme. Et le grand âge représente un risque important d’aggravation de ces troubles.

La loi du silence pèse sur ces violences, et encore plus particulièrement sur celles subies pendant l’enfance comme les incestes. La presque totalité des victimes ont été abandonnées sans soutien, ni soin. Leurs troubles psychotraumatiques se sont alors installés dans la durée sans être repérés, ni pris en charge (1). La persistance de cette mémoire traumatique leur fait alors revivre les violences à l’identique comme une torture sans fin. Au moindre lien, sensation ou situation qui rappelle les violences, cette mémoire traumatique envahit leur psychisme leur faisant ressentir le même état de détresse, les mêmes douleurs que lors des violences, elles revoient leur agresseur agir, ré-entendent ses cris, ses paroles, sa haine, son mépris. 

Pour ne plus ressentir et éviter le déclenchement à tout instant de cette mémoire effrayante, les stratégies de survie ont associé, au fil de la vie, une hypervigilance, une anesthésie émotionnelle, des conduites à risque, des addictions, et des troubles dissociatifs avec amnésie. 

Ces stratégies de survie de l’adulte ont eu une certaine efficacité mais au prix d’un impact important sur leur santé et leur qualité de vie (2). 

Avec l’avance en âge, les événements de vie vont s’accumuler, qu’il s’agisse des pertes, des hospitalisations, du passage en maison de retraite. Ces situations d’insécurité et de dépendance à l’autre vont mettre ces personnes âgées en grande difficulté pour gérer leur mémoire traumatique. Les stratégies de survie habituelles sont débordées. Le risque est un nouvel allumage de la mémoire traumatique, envahissante, impossible à contrôler particulièrement lors des soins corporels. Ces personnes âgées vont vivre de nombreuses situations comme des agressions en s’y opposant avec des attaques de panique, des crises d’agitation, des pertes de repères temporo-spatiaux, des troubles dissociatifs avec parmi eux des hallucinations visuelles, auditives et cénesthésiques. 

Pour tenter d’anesthésier émotionnellement cette mémoire traumatique intolérable, le principal mécanisme va être de nouveau l’installation de troubles dissociatifs. Les personnes âgées peuvent alors développer des «délires» de persécution et mettre en scène les violences subies. Elles peuvent également s’auto-agresser et se mettre en danger, ou devenir violentes vis à vis d’autrui en tenant des propos violents et obscènes accompagnés ou non de passages à l’acte agressifs. Ces troubles peuvent rendre les soins très difficiles et être un facteur de risque de rejet et de maltraitance de la part des soignants.

Il est essentiel de savoir repérer ces situations, d’abord pour les comprendre puis pour ajuster ensuite en équipe les attitudes personnalisées à mettre en place.

De manière préventive, avant l’éclosion de ces troubles du comportement en institution, lors de la période de pré-admission, il faudrait pouvoir voyager dans le passé, reconstituer des pointillés de l’histoire de vie, rechercher des traumatismes, et plus particulièrement des violences sexuelles. Cette pratique passe par l’observation, l’écoute et des questions posées, avec le plus de tact possible, à la personne elle-même mais aussi à l’entourage.

Dre Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie

 1- Salmona M. Le livre noir des violences sexuelles. Lutter contre la violence sexuelle passe avant tout par la prise en charge des victimes. Dunod; 2013.

2-  Avoir subi des violences enfant est le déterminant principal de la santé plus de 50 ans après (Felitti et Anda, 2010), et avoir des troubles psychotraumatiques est un facteur de risque important de développer des troubles démentiels.

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