samedi 27 avril 2013

À lire l'article "Muriel Salmona : Les violences ne sont pas une fatalité" paru dans Axelle du mois de mai (magazine féministe belge) sur mon livre " Le livre noir des violences sexuelles" par Sabine Panet

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Muriel Salmona
Les violences ne sont pas une fatalité!
article de Sabine Panet 
magazine axelle n°139 : mai 2013

Dans notre société, les violences sont niées et les victimes sont culpabilisées, constate la docteure Muriel Salmona, spécialiste des traumatismes et auteure d’un livre très intéressant sur le sujet. Les violences sont pourtant à l’origine de souffrances, de maladies, d’inégalités, d’exclusion et de nouvelles violences. Soigner et prévenir sont donc des urgences absolues !

Rencontrer Muriel Salmona, c’est, tout à coup, y voir clair. Les histoires récupèrent du sens, les souffrances se comprennent et peuvent s’apaiser. Du secret de son cabinet médical jusqu’aux plus grandes institutions, Muriel Salmona traque les violences, explique et soigne les psychotraumatismes (1). “C’est la violence qui génère la violence, et non la condition humaine”, explique cette femme révoltée, mais jamais fataliste.

MALADIE MENTALE ET VIOLENCES

Le père de Muriel Salmona est décédé d’un cancer de l’oesophage à 48 ans, “un suicide programmé”, raconte-t-elle, en parlant d’un cocktail mortifère associant alcool et tabac. Dans la famille de Muriel, “personne ne s’est demandé pourquoi il s’était conduit ainsi”. Muriel en est sûre : il est mort de son histoire, entre violences intrafamiliales et guerre d’Indochine. Devenue médecin, Muriel se spécialise en psychiatrie.
C’est le choc : pensant mettre en oeuvre une vision de la maladie mentale centrée sur la personne, elle découvre un univers brutal d’enfermement et de déshumanisation. La psychanalyse, qui ne travaille pas le lien entre les symptômes et les violences et qui défend la vision freudienne de la sexualité, ne lui offre pas non plus de réponse satisfaisante. Au fur et à mesure de son expérience clinique et alors que le concept militaire du “stress post-traumatique” commence à être appliqué aux civils (2), elle réalise que les violences subies sont à l’origine de la plupart des troubles psychiques. “Les symptômes, aussi incompréhensibles qu’ils puissent paraître, obéissent à une logique qu’il faut découvrir et comprendre pour pouvoir les soigner.”

MÉMOIRE TRAUMATIQUE

Parallèlement, Muriel Salmona travaille avec les neurosciences (3) pour trouver des éléments cohérents qui expliquent le comportement de ses patients. Elle développe un modèle théorique: celui de la “mémoire traumatique”. Il s’agit d’une mémoire piégée, qui n’a pas été intégrée par le cerveau, qui fait revivre les violences et envahit le psychisme sans qu’on puisse la contrôler. “Les victimes de violences peuvent revivre une sensation, une odeur, la douleur, réentendre des phrases, revoir la mise en scène. Cette mémoire peut toujours se déclencher si elle n’a pas été prise en charge. C’est une torture : on revit l’horreur encore et encore.” Cette mémoire se met en place au moment des violences, dans un effet de sidération. “C’est le côté impensable, incohérent et inhumain de la violence : elle bloque le cerveau.”
Normalement, en situation de danger, des hormones de stress sont libérées et le cortex répond. “Quand le cortex est sidéré, les hormones de stress montent sans être modérées. Or l’adrénaline et le cortisol sont toxiques pour le cerveau : alors, il disjoncte pour survivre. On ne sécrète plus d’hormones de stress, mais l’hippocampe ne fonctionne plus non plus pour traiter l’événement et l’inscrire dans notre mémoire biographique.” Alors, on survit, mais on est anesthésié, on a l’impression d’avoir un corps mort : c’est la dissociation. “Puis cette mémoire s’installe comme une bombe à retardement et se réactive dès que quelque chose rappelle l’événement. Ensuite, la société oblige les victimes à survivre avec une mémoire traumatique que personne ne comprend !” Pire : on décrédibilise les victimes, comme c’est le cas pour les victimes d’un viol. “On leur reproche leurs troubles spatio-temporels, leurs attaques de panique, on requalifie les faits parce qu’elles ne se rappellent pas tout. On étudie leur parole, et non pas la parole du suspect ou de l’auteur des violences. Parfois, j’ai envie de dire aux victimes de viol : refusez les expertises psychologiques ! On vous demande des informations sur votre vie, sur votre sexualité, la défense y a accès et peut l’utiliser contre vous !”
La mémoire traumatique explique certaines conduites à risque : alcool, drogue, médicaments à hautes doses. Elle a des conséquences ravageuses : stress perpétuel, atteintes cardio-vasculaires, diabète, dépressions et suicides… la liste est longue. “Le principal déterminant de la santé à 55 ans est d’avoir subi des violences dans l’enfance. Cette information, prouvée scientifiquement,n’est pas diffusée. C’est ahurissant.”

POUR QUE JUSTICE SOIT FAITE…

“Les victimes ne savent pas que ce qu’elles vivent est normal et tout le monde leur dit : pense à autre chose ! On leur reproche leurs stratégies de survie, on trouve qu’elles manquent de volonté…” Celles qui réussissent à avancer le paient très cher. “Les personnes survivantes, résilientes (4), se forment une personnalité de surface. On leur dit qu’elles sont courageuses alors qu’elles ont été abandonnées ! On leur fait des compliments… mais elles traversent l’enfer.” Le monde médical, déplore Muriel Salmona, n’est pas formé sur les psychotraumatismes. “L’absence d’intérêt de la plupart des médecins pour les conséquences des violences sur la santé diminue considérablement les chances de libération des victimes qui se retrouvent abandonnées par le corps médical.” Pourtant, des années après les violences, il est toujours utile de travailler sur la mémoire traumatique. “Même à 90 ans, ça vaut le coup de se libérer !, sourit Muriel. Même si l’on est amnésique, on a des conséquences psychotraumatiques. Les traiter permet, par exemple, d’arrêter les conduites à risque. Si l’on ne traite que les symptômes, cela a rarement de l’effet. D’ailleurs on les traite souvent pour anesthésier émotionnellement la personne avec des anxiolytiques ou des neuroleptiques. Les émotions, qui sont dévalorisées, sont pourtant cohérentes et logiques !”
Pour accomplir cette démarche de libération, il y a plusieurs strates à défaire. Tout d’abord, il importe de souligner la responsabilité de l’agresseur afin de restaurer la victime. Muriel Salmona multiplie également les formations dans le milieu médical et auprès des professionnels qui sont en contact avec des victimes de violences. Enfin, de nombreuses victimes qui viennent la consulter ou assistent à ses conférences décident de réagir. “Les gouvernements doivent prendre conscience qu’à force de ne pas travailler sur la prévention et la prise en charge des violences, les victimes pourraient se retourner contre l’État. Après mon passage en Auvergne, une femme neuroleptisée depuis dix ans alors qu’elle avait subi des violences sexuelles s’est retournée contre son hôpital !”  De tels “dommages collatéraux” de ses travaux ne sont pas pour déplaire à Muriel Salmona, qui aime bien que la justice soit faite. 

1 On peut définir le psychotraumatisme comme l’ensemble des troubles psychiques immédiats, post-immédiats puis chroniques se développant chez une personne après un événement traumatique ayant menacé son intégrité physique et/ou psychique. (sourceõ: http://memoiretraumatique.org)
2 Grâce à des associations et chercheuses féministes qui, pour comprendre les conséquences du viol, se sont emparées du concept jusque-là appliqué aux vétérans de guerre.
3 Ensemble des connaissances et des recherches concernant le système nerveux.
4 Capables de vivre, de se développer en surmontant les chocs traumatiques, l’adversité
5 Les médicaments anxiolytiques visent à combattre l’état d’angoisse, l’anxiété. Les neuroleptiques exercent une action calmante globale sur le système nerveux.


En quelques mots :

Spécialiste des traumatismes psychologiques, la docteure Muriel Salmona mène un important travail de prévention et d’information.
À ses yeux, il n’est jamais trop tard pour se libérer des conséquences des violences que l’on a subies !


À lire 

Le livre noir des violences sexuelles, Muriel Salmona, Dunod 2013. 348 p., 19,90 eur.
Un argumentaire scientifique et documenté en faveur de la prévention
et d’une prise en charge adaptée des violences.
Sur le blog qui accompagne ce livre, des témoignages commencent à affluer.
Le site de l’association “Mémoire traumatique et victimologie” est une mine d’informations.





Le magazine axelle édité par Vie Féminine et réalisé avec la collaboration d’une équipe de journalistes indépendant-e-s, axelle est le seul magazine féministe en Communauté française.

Société, vie quotidienne, droits, politique, mais aussi cinéma, santé, musique ou littérature : chaque mois, axelle ouvre ses pages à des femmes connues ou inconnues, portant un autre regard sur les petites et grandes choses qui font nos vies aujourd’hui. Avec, en filigrane, l’envie de changer le monde…

Car, ici et ailleurs, les femmes sont trop souvent encore victimes d’inégalités et d’injustices. En leur donnant la parole, loin des clichés, axelle participe à la construction d’une société où l’égalité entre hommes et femmes deviendra enfin réalité.

Sabine Panet qui m'a interviewée pour cet article est journaliste et auteure, elle a écrit un très beau roman 
pour les jeunes avec Pauline Penot sur le mariage forcé aux éditions Thierry Magnier sélectionné pour le prix 2014 des lycéens allemands : Le cœur n'est pas un genou que l'on peut plier


Ernestine a treize ans et une vie de collégienne bien remplie. Sa soeur aînée, Awa, se prépare à passer son bac quand elle apprend qu’elle doit rentrer au Sénégal pour se marier avec un cousin, en vertu d’un accord conclu avant sa naissance entre les deux familles, dès l’été suivant. La tante des deux jeunes filles se révolte à cette idée.
Étrangement, Awa est moins virulente, mais Ernestine, quant à elle, n’imagine même pas que son destin soit déterminé par des adultes, sans son accord. Les femmes de la famille vont unir leurs forces et leurs arguments pour convaincre le père ligoté par sa promesse et le sens de l’honneur.
Par-delà ce thème déjà beaucoup traité en littérature de jeunesse, c’est le ton et la manière qui diffèrent dans ce roman tonique, qui se joue des préjugés sur les familles africaines en France, mais aussi sur la vie au Sénégal aujourd’hui.



"Le livre noir des violences sexuelles"
de la Dre Muriel Salmona
édité chez Dunod


Avec son site ( informations, articles, nombreux témoignages, ressources et bibliographie actualisées, vidéos, etc. ) : 

Avec, à feuilleter, les premières pages du livre noir des violences sexuelles en cliquant ICI

Vous pouvez vous le procurer dans les librairies, 
et chez Dunod, à la FNAC , sur  Amazon ou sur Decitre (e-book-PDF)

Une première séance dédicace est organisée le 20 avril 2013 à Bourg la Reine de 15 à 19h30
pour toute information: drmsalmona@gmail.com

Et le contact presse Dunod : 
Elisabeth Erhardy Attachée de presse,  01 40 46 35 12, presse@dunod.com


En espérant que ce livre puisse contribuer :
- à améliorer les connaissances sur les violences sexuelles, leurs conséquences psychotraumatiques (mémoire traumatique, conduites d'évitement et de contrôle, conduites dissociantes à risque) et leurs conséquences sur la santé et la qualité de vie des victimes ; 
- à faire mieux comprendre ce qu'ont subi et ce que vivent les victimes et à en témoigner pour que leurs droits et leurs préjudices soient mieux reconnus, et que justice leur soit rendue ;
- à améliorer la protection des victimes, leur prise en charge et les soins spécialisés à leur prodiguer pour éviter qu'elles subissent, d'une part de nouvelles violences et d'éventuelles maltraitances institutionnelles, et d'autre part une mémoire traumatique qui leur fait revivre les pires moments des violences pendant des années, voire des dizaine d'années, comme une torture sans fin, sauf à être dissociée et anesthésiée ; 
- à faire en sorte que les victimes ne soient plus abandonnées, ni obligées d'organiser seules leur protection et leur survie ; 
- et enfin à mieux lutter contre ces violences et contre la loi du silence, le déni tenace et la banalisation qui les entourent encore.

Avec toute mon amitié, je vous remercie pour votre soutien 



Dre Muriel Salmona,

Psychiatre, psychtraumatologue
Responsable de l'institut de victimologie du 92
Présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie
Tel : 06 32 39 99 34







Edition Dunod, hors collection
240 pages, prix conseillé : 19,90 euros
Les violences sexuelles, très nombreuses en France, restent peu prises en considération par les acteurs médico-sociaux et politiques. Or, les conséquences psychotraumatiques de ces violences sont énormes en termes de santé publique. Cet ouvrage entend dénoncer une véritable loi du silence, qui empêche les victimes d'être réellement secourues et efficacement traitées. Un livre document qui éclaire, explique et interpelle ! « Dès mes premiers contacts avec l'univers hospitalier, je fus révoltée par l'indifférence et l'insensibilité avec lesquelles beaucoup de médecins traitaient les patients victimes de violences ... Avec cet ouvrage, à la demande et au nom de tous mes patients qui ont participé activement à son élaboration, je vous propose de partager le fruit de toutes ces expériences et de cette recherche, en espérant contribuer à améliorer la prise en charge des victimes de violences, à mieux comprendre les mécanismes psychotraumatiques et leurs conséquences catastrophiques sur la santé et la qualité de vie des victimes, et à prévenir de nouvelles violences ».
"Pour lutter contre les violences et leur reproduction de proche en proche, de génération en génération, il est temps de garantir l'égalité des droits de tous les citoyens, mais il est temps aussi que les "blessures psychiques" des victimes de violences et leur réalité neuro-biologiques soient enfin reconnues, comprises et réellement traitées.
Il est temps de considérer enfin que ces  "blessures psychiques" sont des conséquences logiques d'actes intentionnels malveillants perpétrés dans le but de générer le maximum de souffrances chez les victimes, et d'organiser délibérément chez ellesun traumatisme qui sera utile à l'agresseur pour s'anesthésier et mettre en place sa domination.
Il est temps que les victimes soient enfin réellement secourues, protégées et soutenues.
Il est temps d'être solidaires des victimes, de s'indigner de ce qu'elles ont subi et de dénoncer les coupables. "

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